« Nous sommes prêts à mettre les moyens » : le représentant santé de Macron dévoile à Egora son plan pour la médecine de ville
Permanence des soins obligatoire, régulation à l’installation, transfert de compétences… Beaucoup de mesures portées par Emmanuel Macron pendant la campagne ont déçu les médecins. S’ils reconnaissent des efforts faits pour transformer le système de santé depuis cinq ans, les libéraux souhaitent que priorité soit désormais donnée à la ville, en souffrance. Le référent santé du Président, François Braun, également chef des urgences du CHR Metz-Thionville et président de Samu-Urgences de France, revient en détail, pour Egora, sur plusieurs axes forts de son programme : les référents santé, la rémunération à l’acte, l’accès aux soins ou encore la grande concertation en santé qui devrait s’ouvrir une fois le Gouvernement nommé.
Egora.fr : Le soir de sa réélection, Emmanuel Macron a promis de faire de la santé l’une de ses priorités. Comment convaincre les médecins de lui faire confiance, alors que beaucoup ont été déçus par son premier quinquennat?
Dr François Braun : Beaucoup de choses ont déjà été faites en cinq ans. Il y a eu une gestion de la crise Covid qui, quoi qu’on en dise, a été bien faite. Il ne s’agit pas tant de regarder les résultats, même si beaucoup sont bons, mais plutôt les lignes directrices qui ont été tracées pendant le premier quinquennat. Le Ségur montre la volonté d’un investissement massif dans l’hôpital et le souhait de rénover, modifier le système de santé afin qu’il soit plus opérationnel, plus efficace pour les patients et moins destructeur pour les soignants. Maintenant il y a trois objectifs principaux : la problématique de l’hôpital, celle de l’innovation et la souveraineté et, enfin, celle des inégalités de santé. Ce qui me pousse aussi à faire confiance à Emmanuel Macron, c’est qu’il s’intéresse à la prévention, au soin et au suivi. On voit bien que ce n’est pas une réflexion électoraliste à cinq ans. Le dépistage par exemple, personne ne s’y intéresse jamais, car ce n’est pas rentable.
Sur le plan de la santé, l’accès aux soins est l’un des défis majeurs de ces prochaines années. Il faut cependant composer avec un déficit criant de médecins… Sur quoi compte s’appuyer le chef de l’État?
Je dirais que l’enjeu, c’est l’accès à la santé. Attention à ne pas être restrictif sur le soin. Il n’y a pas de solution miracle pour les déserts médicaux, mais plutôt un panel de solutions qui doivent être adaptées aux territoires. Le programme prévoit un changement de méthode en responsabilisant tout le monde, c’est aussi pour cela qu’on doit faire confiance à Emmanuel Macron. Nous avons promis une grande concertation, c’est dans ce cadre que nous voulons laisser des outils à disposition des professionnels concernés, en leur permettant de réfléchir à comment les utiliser pour répondre à leurs problématiques territoriales.
Quels sont ces outils ?
Si on s’intéresse aux déserts médicaux, je dirai qu’il y a trois types d’outils : à court terme, à moyen terme et à long terme. On sait parfaitement qu’on ne va pas réussir à faire s’installer 30.000 jeunes dans les territoires demain, donc on doit commencer par redonner du temps médical aux soignants, partout. On voit qu’en cas “d’exercice aidé”, les médecins augmentent leur patientèle. Alors faisons faire l’administratif par d’autres. Imaginez que 25% du temps des médecins soit libéré pour prendre des patients en plus, cela changerait vraiment la donne. Pour cela, il faut s’appuyer sur le principe des assistants médicaux mais on doit simplifier la démarche et augmenter leur nombre. Il existe aussi l’exercice pluriprofessionnel, mais ce n’est pas le tout de mettre des gens ensemble dans les mêmes locaux. Il faut qu’ils travaillent ensemble et de cette manière, améliorer la qualité de la prise en charge. J’insiste sur une chose : il y a des déserts médicaux mais pas de déserts de santé, car il y a partout des pharmaciens, des kinés, des infirmières…
Et à moyen et long terme ?
En ce qui concerne les réponses à moyen terme, il faut favoriser l’installation dans les déserts. Cela passe par le maintien des aides existantes et la facilitation des stages dans les zones sous-dotées, dès le début d’externat. Pour ça, il ne faut pas dénaturer la formation et il faut donc plus d’enseignants et de maîtres de stage. On réfléchit également à des postes universitaires territoriaux. Il a beaucoup été question de la quatrième année d’internat de médecine générale, elle fait consensus aujourd’hui, mais les stages ne doivent pas être obligatoires dans les territoires en tension car c’est le meilleur moyen de dégoûter les futurs médecins. Il faut plutôt les inciter. Le dernier point, c’est de donner aux étudiants des conditions d’hébergement facilitées et correctes. A l’époque, j’ai fait mon troisième cycle dans la Meuse, j’avais un internat et cela permettait de mieux faire face aux frais, au temps de travail. Aujourd’hui, tout le monde doit participer : les hôpitaux et les collectivités territoriales. On pourrait imaginer un internat de professions de santé, en ville et à l’hôpital, par exemple. Enfin, à plus long terme, on mise sur le numerus apertus, mais il faut avoir une vraie estimation des besoins pour les quinze à trente ans qui viennent.
Vous souhaitez augmenter le nombre d’assistants médicaux : combien en envisagez-vous ?
L’estimation au plus large reviendrait à ce que chaque médecin qui le souhaite puisse avoir un assistant médical. Il faudra néanmoins faire un effort supplémentaire dans les zones sous-dotées, cela paraît évident. On pourra compter dessus, comme sur l’embauche d’infirmières salariées par la Sécurité sociale pour les médecins de ces territoires, toujours dans l’idée de libérer du temps médical. Quand je parle de simplification, c’est réfléchir aux contraintes qui ont été définies, à l’utilité d’un temps plein d’un assistant médical, d’un poste partagé entre plusieurs médecins, par exemple.
Des professionnels de santé référents vont être nommés, c’est ce qu’a promis Emmanuel Macron pendant la campagne. Quelles seront leurs missions ?
On se rend compte aujourd’hui que notre système de santé est compliqué pour quelqu’un qui n’est pas averti. Les patients peuvent avoir besoin d’accéder à plusieurs pans de ce système sans trop savoir comment faire. L’idée, c’est donc qu’en complément du médecin traitant, un professionnel puisse servir de porte d’entrée et de guide dans le système de santé. Pour vous donner un exemple, nous avons régulièrement au SAS* des appels de patients âgés qui n’arrivent plus à joindre leur médecin, alors qu’il est pourtant en exercice. En fait, les médecins n’ont plus de secrétariat, ils sont joignables uniquement via des plateformes comme Doctolib… sauf que les patients âgés n’ont pas d’ordinateur et ne le savent pas. Typiquement, ils pourraient dans ce cas aller voir leur professionnel de santé référent, qui le ferait à leur place.
Marion Jort
Retrouvez l’intégralité de l’interview sur Egora.fr.